Mon enfance a été marquée par la peur et la mort… Ma mère, qui m’avait porté dans la douleur, est décédée en couche… A ma naissance, dans une massure non loin de Lordaeron, mon père ne me gardait en vie que pour honorer la mémoire de sa défunte épouse, car, et je l’appris plus tard par moi-même, quelque chose en moi terrifiait quiconque était en ma présence. Je passais les premières années de ma vie seul…
Mon père refusa de me donner son nom, niant tout liens avec l’enfant qu’il pensait coupable de la mort de sa femme, et qui lui causait nombres de tourments… Ainsi, après son suicide à mon age de 7 ans, n’avais-je comme nom que celui qu’il me donna, Phobos, qui signifiait effroi dans l’ancienne langue de son peuple…
Je fus donc élevé par mon grand-père du côté maternel, dans la cathédrale dans laquelle il officiait, au cœur même de Lordaeron, et il entreprit de me faire devenir prêtre. Il pensait que, la foi et la toge, la confiance que tout le monde mettait en un gardien de la ‘’vérité’’, pouvaient m’exorciser de la terreur que je distribuais autour de moi. Bien entendu, cela n’eu pas l’effet escompté, ma malédiction s’accentuant même le temps passant.
Mon grand-père était un extrémiste. Il considérait tout déviant comme bon au bûcher, j’étais ce qu’il haïssait le plus, un monstre de foire, sans le succès de ses derniers, car personne ne pouvait m’approcher… Afin de me montrer ce que des atrocité dans mon genre pouvaient faire, il tentât de m'affrayer en me faisant lire quantité de grimoires traitant de la haine des sorciers et des adorateurs des démons, dont certains écrits par et pour ces derniers. Moi, par ennui, je lisais, et je retenais
Je restais à la Cathédrale de mon grand-père jusqu’à mes 14 ans. Il me grondait souvent, trouvant toujours un prétexte à me reprocher ma différence. Je ne pouvais sortir des murs de la battisse centenaire sans que les passants me fuient en courrant, sans même savoir que leur effroi émanait de ce petit bonhomme solitaire et renfermé.
La rue et sa foule durent cependant m’adopter l’après-midi de mes 14 ans, alors que les acolytes de la cathédrale découvraient le cadavre de mon grand-père pendu au clocher du bâtiment, le visage déformé par la peur et la douleur…
Je me mis à errer durant de nombreuses années de solitude, exerçant ma magie au gré de mes besoins, tant pour survivre que pour m’entraîner à cet art…
...
Je me retrouvais par un hasard douteux face au portes de Stratholme, j’avais alors cessé depuis longtemps de compter les années qui s’étaient écoulées. Mon apparence était en parfait accord avec la vie menée jusqu’à présent : un vagabond, vieillit s’il n’était pas vieux. J’avais appris à contrôler la terreur qui suait hors de moi, et j’entrepris de me rendre présentable, afin de me réintégrer dans la société de la cité bouillonnante. Je trouvais rapidement un travail, tout à fait convenable, de fossoyeur dans le cimetière principal.
C’était un métier pour le moins idéal. Seul, entouré de la calme énergie qu’exaltaient les morts en putréfaction, c’est à cette époque que je commençais à m’intéresser de près à la nécromancie…
J’y travaillais un temps qui me semblait défiler au ralentit. Je fis la connaissance dans cette profession du premier ami que j’eu, Kirtonos, un entrepreneur en pompes funèbres. Inspiré par une confiance qui n’était pas dans mes habitudes, je lui racontais la malédiction qui était mienne, et il me dit sur le ton de la confidence qu’il était affligé d’un semblable mal : sous le coup de la colère, il pouvait changer d’apparence, prenant alors celle qu’une sorte de chauve-souris humanoïde et immonde, et affamée de sang. Rares étaient ses crises me disait-il car, son frère, directeur de l’entreprise familiale, avait trouvé le moyen d’y remédier. Je lui demandais aussitôt quel était-il, et il ne put me répondre de suite. Je dû attendre quelques mois, avant d’y avoir droit, durant lesquels il me disait mesurer ma qualité d’interlocuteur de confiance…
Mes nombreuses lectures durant mon apprentissage m’en avaient apprit long sur la magie noire. Tout texte traitant de sorcellerie expliquait invariablement les méthodes appliquées par leurs pratiquants, dans des détails souvent douteux car plausibles. J’avais alors pris plaisir à tenter de la maîtriser. Pourquoi ? Car j’avais sentit, dès les premières lignes de textes d’incantations, que je connaissais déjà ces formules. La domination de la magie noire coulait dans mes veines, autant que le sang de mon père, et celui de ma mère. C’est tandis que je m’amusais dans les catacombes de la cathédrale de Lordaeron à tuer des rats à l’aide de mes pouvoirs, le jour de mes 14 ans, que mon grand-père me surprit à l’œuvre obscure qui était mienne. Il fut très amusant de le voir se déchirer les ongles sur les murs, tandis qu’il montait au clocher pour se pendre. J’avais appris à canaliser la peur que j’exaltais, et la lui avait restituée dans sa forme la plus pure, la plus parfaite. Il avait préféré en finir que d’endurer ça. Je n’ai fait que l’aider dans sa démarche…
Ce Kirtonos fut donc surpris que je pu comprendre ce qu’il me dit à propos du sortilège que son frère lui lançait pour contrôler ses crises. Je décidais de contacter ce frère, et de lui demander d’où tenait-il ses savoirs, et si je pouvais y avoir accès, pour mieux canaliser ma malédiction, mon don…
C’est ainsi que j’appris l’existence d’une école de magie noire naissante, plus à l’ouest, dans le village de Caer Darrow. Je quittait la cité avec comme seul baluchon les grimoires que j’avais griffonné durant ces années à propos de magie noire et nécromancie, et me dirigeais vers ce village. ‘’Cherchez la maison des Barov’’ m’avait dit le frère de Kirtonos.
J’atteint les portes du village quelques mois plus tard, et demandais à un habitant du bourg qui me répondit précipitamment, le regard horrifié. Arrivé devant la demeure, une sombre battisse dominant de sa hauteur et sa majesté le reste de la bourgade, je frappais à la porte un coup sourd qui résonnât lourdement dans la nuit. Quelques pas, et un serviteur m’ouvrit, le regard vide de toute expression. Au point que je tentais de le frôler de mon horreur : Aucune réaction. Voilà qui était étrange.
A peine entré, un homme de haute stature, le visage gris et carnassier me lança un ‘’Maître Phobos, nous vous attendions ! Je suis M.Barov ! Suivez-moi, je vais vous présenter à vos collègues !’’. Mes collègues ?
‘’Que signifie ?’’ commençais-je, avant de me voir interrompre en entrant dans le salon. Une dizaine de personnages se levèrent à mon entrée. Parmi eux, Kirtonos et son frère, un haut elfe (le premier que je voyais), et quelques hommes et femmes à la mine patibulaire. Notant mon désarroi, celui qui s’était présenté comme M.Barov m’expliqua :
‘’Je vous présente les professeurs de la Scholomance. Ici sont donc réunis les plus grands maîtres en magie noire, nécromancie, et démonologie de tout Azeroth. Vous connaissez déjà ces deux maîtres en décoctions de tout genre,’’ me dit-il en tendant le bras en direction de Kirtonos et son frère, ‘’Laghnael Morteflamme, notre expert en concentration arcanique,’’ tandis que l’elfe s’inclinait et prononçais quelques paroles dans sa langue, ‘’Araj, l’actuel directeur de notre université’’, un homme squelettique sortit de l’ombre et me lança un regard d’une intensité rare. ‘’Moi-même,’’ continuât-il, ‘’n’ai de fonction que le financement de notre projet commun, et celle encore de garder à jour notre bibliothèque thématique.’’
Je le regardais, hagard. ‘’Et moi dans tout cela ?’’
‘’Vous avez été désigné pour reprendre le flambeaux de notre ancien maître en domination obscure. En effet, M.Kirtonos ici présent nous a prévenu de votre don en matière de magie noire, et nous a informé de la facilité avec laquelle vous avez compris le langage propre à l’étude de la magie noire. Néanmoins il semblerait que votre formation ne soit pas achevée’’
‘’Formation ? Je n’ai eu que les grimoires de mon enfance, et mes années d’errances comme entraînement… Pourquoi accepterai-je de prendre ce poste ?’’
‘’Nous finirions votre entraînement, durant lequel vous pourrez, si toutefois vous le désirez, dispenser des cours à nos élèves, disciples d’un ordre nouveau à venir. Vous auriez accès à la bibliothèque de la Scholomance pour continuer vos études personnelles. Il nous reste cependant une chose à éclaircir…’’
Un silence. Le dénommé Araj prit la parole.
‘’D’où tenez-vous cette maîtrise ?’’
…
L’age commençait à prendre le pas sur ma volonté. Ma raison se dissipait de plus en plus souvent, mais je continuais mes activités au sein de l’école. Araj n’avais pas apprécié l’explication que je lui avais donnée à l’époque. Je le comprends, je n’en étais pas convaincu moi-même. Héréditaire. J’aurai pu trouver mieux tout de même, mais ce qui était fait était fait, et le mystère sur mes pouvoirs n’avait en rien dégradé ma maîtrise de ceux-là. Cet Araj n’était guère sympathique à mon égard, mais cet elfe de sang de la maison, ce Laghnael Morte-Flamme, protégeait l’homme vieillissant que je devenais. Il disait s’intéresser grandement à moi et mes écrits, et nous partageâmes nos savoirs respectifs.
Durant ce que je sentais être les dernières années de ma vie commençais-je à focaliser mes études sur une possibilité de conservation de l’esprit dans un réceptacle. En effet la mort me semblait une fin indigne du savoir que j’avais réunis. Avais-je appris tant de choses sur la magie noire pour que, suite à la défaillance de quelques matériaux organiques qui constituaient mon corps, tout ceci disparaisse ? Certes mes écrits étaient nombreux, mais je ne pouvais concevoir l’idée que mon savoir ne pouvait me protéger de l’ultime ennemi. J’en touchais un mot à Laghnael, toujours vif et plein d’esprit, héritage de son peuple à la vie longue. Ses travaux sur les concentrations avaient bien avancé, et il se proposa de tenter son dernier projet sur moi. Je lui faisais entièrement confiance. Il me disait qu’il essaierait de lier mon âme, mon esprit et ma volonté à mon corps, de façons à pouvoir continuer de contrôler celui-ci une fois que l’organisme aurait rejeté ces trois éléments essentiels. A la veille de la mise en route du projet, je me lançais un dernier maléfice, créé à partir des résultats de mes années d’expériences échouées – car je le confesse, la nécromancie était encore trop barbare pour moi !
Telles furent mes dernières minutes de vie :
Tout se passait comme prévu, jusqu’au moment crucial qui allait lier les constituants éthérés de mon être. Laghanel me trahit a ce moment précis.
‘’Vois-tu mon ami, tu as toujours été un mystère pour moi. Peut-être disais-tu juste en parlant d’un don hérité de ta famille en parlant de ton contrôle des ténèbres, mais comprends moi, ce contrôle attise la convoitise ! Araj est un incapable, mais moi ! Moi qui t’ai appris à condenser les âmes pour en constituer des fragments solides, moi, je vais garder la tienne, dans l’espoir de comprendre la source de ta maîtrise. Je ne te cache pas, mon ami, que ton esprit et ta volonté resteront liées à ton corps, mais que tu ne pourras en réchapper. Ton corps sera mort, mais ta conscience active. J’aurai souhaité t’éviter cela, mais tu es un sacrifice nécessaire, tu sauras me comprendre dans l’éternité de réflexions solitaires qui t’attend. Pardonne moi’’
Et il m’acheva.
Le rituel était complexe, et je ne pouvais agir contre sa volonté. J’appris alors que la confiance est une chose précieuse, qu’on n’offre pas à quiconque. Mais à qui sinon lui ?
Il déposa mon cadavre dans un caveau non loin de Lordaeron, où dans ma contemplation passive à l’intérieur de mon corps je reconnaissais le paysage entourant la maison en ruine qui m’avait vu naître. Il expliquât à mon cadavre que personne ne le chercherai. A la Scholomance, la disparition de leur Maître en magie noire sera atténuée par la découverte de la majorité de ses écrits, bien qu’il en manquât quelques uns…
Commença une éternité de souffrance…
…
Je me réveillais je ne sais comment. Je sentis au moment même de ma renaissance un contrecoup dans les courants magiques, comme après un pic d’une ampleur jusque là jamais ressentie. Le sort que je m’étais lancé il y avait plusieurs années de cela en désespoir de cause avait trouvé dans ce soubresaut suffisamment d’énergie pour s’activer. Ma volonté et mon esprit sortir de leur torpeur contemplative, et je me levais, et redécouvris le monde. Un monde où les ténèbres étaient plus denses qu’alors…